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A VERY RARE ROUEN SOFT PASTE PORCELAIN CYLINDRICAL POT, LOUIS POTERAT WORKSHOP,

de

PERIOD: 17th Century

A VERY RARE ROUEN SOFT PASTE PORCELAIN CYLINDRICAL POT, LOUIS POTERAT WORKSHOP, CIRCA 1690 LA PREMIERE PORCELAINE FRANCAISE C'est à partir de 1673 à Rouen qu'apparaissent les premières porcelaines tendres françaises, soit un siècle après les porcelaines tendres réalisées dans les ateliers du Grand Duc François de Médicis à Florence jusqu'en 1587, vingt ans avant que les enfants Chicanneau ne réalisent de la porcelaine tendre à Saint-Cloud et trente-cinq ans avant que Johann Friedrich Böttger ne découvre le kaolin et le secret de la porcelaine dure à Meissen. A cette date, les grands centres faïenciers en Europe tentent d'imiter la porcelaine chinoise, Delft au premier rang, parvenant à alléger la pâte pour qu'elle soit la plus fine possible, adoptant le camaïeu bleu pour copier les bleu et blanc chinois, recouvrant l'émail stannifère d'une couche de glaçure plombifère transparente pour donner davantage de brillance aux objets et les rapprocher ainsi des pièces Wan Li et Transition et nommant sa faïence Porceleyn. A Rouen, Edmé Poterat produit de la faïence depuis que Nicolas Poirel de Grandval, ancien huissier de cabinet de la Reine Régente Anne d'Autriche, a reçu du Roi en 1644 un privilège de cinquante ans l'autorisant à produire toutte sorte de vaisselle de fayence blanche & couverte d'émail de touttes couleurs. Poirel de Grandval cède alors l'exploitation de son privilège à Edmé Poterat. Le 1er octobre 1673, Louis XIV accorde par lettres patentes un nouveau privilège à Edmé Poterat au nom de son fils aîné Louis. Rappelant en préambule que Louis Poterat par des voyages dans les pays estrangers & par des applications continuelles, il a trouvé le secret de faire la véritable porcelaine de la Chine, ce privilège l'autorise à establir ( ...) une manufacture de toutes sortes de vaisselles, pots & vases de porcelaine semblable à celle de la Chine, & de fayence violette, peinte en blanc & de bleu, & d'autres couleurs à la forme de celle d'Holande (...) et faire construire fourneaux, moulins & ateliers propres pour les dites porcelaines & fayences susdites. On ignore comment les Poterat sont parvenus à trouver le secret de la porcelaine. Louis Poterat et son frère Michel, qui possède également le secret de la porcelaine, ont-ils effectivement voyagé ? Régine de Plinval de Guillebon cite des recherches effectuées à Padoue entre 1627 et 1638 et à Fulham en Angleterre entre 1671 et 1673. Chantal Soudée Lacombe a récemment avancé une hypothèse séduisante : les liens possibles entre les Poterat et Jean Chardin, jeune joaillier d'origine rouennaise, parti vendre des pierres au Châh de Perse en 1665 où il releva les procédés de fabrication des céramiques translucides des Séfévides. Le 19 juin 1694, Louis de Phélypeaux, comte de Pontchartrain charge Lefèvre d'Ormesson, intendant de la Généralité de Rouen, d'établir un rapport sur les manufactures de Louis Poterat et de son frère Michel. Cette enquête mentionne que Louis, le fils aîsné de Saint-Etienne fait de très belles fayences d'Hollande et la porcelaine tandis que son frère Michel et la veuve d'Edmé, s'ils ont aussi ce secret, ils s'en servent très peu s'appliquant davantage à la fayence (...) le fils aisné travaille plus parfaitement qu'eux en porcelaine. En 1694, Louis Poterat produit toujours de la porcelaine mais il déclare être le seul à posséder les secrets et redoute que les ouvriers ne les pénètrent, que c'est pour cette raison qu'il n'a osé faire jusqu'à présent de la porcelaine fine qu'en très petite quantité et par lui-même, sans le secours d'ouvriers. C'est sans doute la raison pour laquelle seules neuf pièces en porcelaine de Rouen sont aujourd'hui répertoriées. Albert Jacquemart, dans son Histoire de la Céramique publiée en 1873, l'expliquait autrement : Poterat, faïencier, habitué à l'exploitation d'une industrie dans lequel il était expert, n'a pas voulu lâcher la proie pour l'ombre et se lancer dans les hasards d'une entreprise douteuse. Il faut plutôt voir Louis Poterat travaillant seul sur ses porcelaines, une fois les ouvriers partis de la manufacture. L'examen des porcelaines de Rouen connues aujourd'hui démontre que Louis Poterat était en pleine recherche et qu'il s'agissait davantage pour lui de créer des objets distincts, particuliers et précieux plutôt que de produire amplement. En témoignent la diversité des décors sur les neuf objets connus et leur parenté parfois lointaine avec les décors appliqués sur la faïence de Rouen. La mort de Louis Poterat en 1696 met probablement un terme à la production de porcelaine à Rouen à ce moment. UN DECOR HOLLANDAIS Notre pot cylindrique se distingue des huit porcelaines de Rouen répertoriées par son décor de semis de bouquets de fleurs et cercles. Les autres porcelaines ont un décor français, dont certains éléments se croisent sur la faïence de Rouen : galon formé de fleurs et rubans, motifs de ferronnerie, guirlandes de fleurs ou lambrequins. Le couvercle du sucrier de l'ancienne collection Tumin est en revanche décoré de petits bouquets de fleurs très proches de ceux peints sur notre pot. (fig. 6) Le décor de notre pot a pour source un décor des faïences de Delft, elles-mêmes inspirées des porcelaines chinoises. Ce décor de semis de bouquets de fleurs apparaît à Delft dans l'atelier de la famille Kam des Trois tonneaux de cendres vers 1690-1695. (fig. 3) Ainsi, Louis Poterat a eu sous ses yeux une faïence de Delft neuve et a repris son décor sur sa propre porcelaine. Cela permet de dater précisément notre pot cylindrique entre 1690 et 1696, année de la mort de Louis Poterat. Claude Révérend à la manufacture de Saint-Cloud importait déjà en 1666 une grande quantité de faïence de Delft et faisaient venir des potiers de Rotterdam en 1667 et 1668 (Arch.Nat. Min. Cen LX1244). Il est probable que Louis Poterat à Rouen opéra de manière similaire. Les entrepreneurs des manufactures de Rouen et de Saint-Cloud se connaissaient peut-être ou au moins avaient-ils des liens : Léonard Vallet, peintre venu de Rouen, travaille avec Pierre II Chicanneau à Saint-Cloud, et Joseph Chicanneau est cité à Rouen en 1698 et 1701. LA REDECOUVERTE DE LA PORCELAINE DE ROUEN On se souvient encore en 1722 que la porcelaine française est née à Rouen. Savary des Brûlons écrit dans la première édition du Dictionnaire universel du commerce : Il y a quinze ou vingt ans que l'on a commencé, en France, à tenter d'imiter la porcelaine de Chine ; les premières épreuves qui furent faites à Rouen réussirent assez bien (...) On ne met pas au rang de faïence de France ces faïences de nouvelle fabrique, ou plutôt ces vraies porcelaines que les Français ont inventées depuis quelques années, et dont il y a eu des manufactures successivement établies à Rouen, à Passy, près Paris, et ensuite à Saint-Cloud ». Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que cette information soit redécouverte. En 1847, André Pottier publie le privilège accordé par Louis XIV à Edmé Poterat au nom de son fils aîné Louis. A la suite de la publication d'André Pottier, l'auteur reçoit une lettre de Riocreux, conservateur du musée de Sèvres : Depuis la publication de votre intéressant Mémoire sur l'origine & la date d'invention de la porcelaine de France, j'ai cherché sans relâche à me procurer un échantillon de cette porcelaine, & j'ai la satisfaction de vous annoncer que je crois l'avoir rencontré. Je ne vous ferai point la description de l'objet, je préfère vous en envoyer un dessin exact. J'appellerai seulement votre attention sur la similitude que présente l'ornementation de cette pièce avec celle des plus anciennes faïences rouennaises, similitude qui se retrouve jusque dans le façonnage, lequel est très rudimentaire. Je n'ai point fait jusqu'ici de recherche pour savoir à quelle famille appartient l'armoirie qu'elle porte, peut-être me le pourrez-vous dire. J'ai acquis cet objet d'un enfant de la Normandie, natif de la ville de Caudebec, qui m'a dit le tenir de famille, où il se serait transmis de père en fils depuis plus d'un siècle. Pottier identifie les armoiries qui sont celles de Jacques Asselin de Villequier (1669-1728), membre du Parlement de Normandie en 1695. Ce moutardier est aujourd'hui conservé au musée national de céramique de Sèvres. (fig. 4) Après l'achat de Riocreux, André Pottier achète à son tour un seau à verre, aujourd'hui conservé au musée de Rouen, d'une décoration très proche du moutardier du musée de Sèvres. (fig. 5) Dans le dernier tiers du XIXe siècle, plusieurs collectionneurs sont particulièrement intéressés par la porcelaine de Rouen, lui conférant une telle importance qu'il en résulte des attributions erronées. Gustave Gouellain (1836-1897), grand collectionneur de faïences et porcelaines, attribuait ainsi à Rouen plusieurs pièces de sa collection qui en réalité était en porcelaine de Saint-Cloud. Il fut l'un de ceux qui attribuèrent à Rouen les porcelaines marquées : AP*, croyant que le P signifiait Poterat et que l'étoile était une réminiscence des trois étoiles figurant sur les armoiries des Poterat. Albert Jacquemart en 1873 ne semble pas convaincu par cette attribution, ne pouvant expliquer l'initiale A. Chavagnac et Grollier en 1906, pour la même raison écrivent au sujet des porcelaines marquées AP* : nous ne pouvons pas les inscrire à Rouen, sans un point d'interrogation. Il faut attendre la découverte de Régine de Plinval de Guillebon en 1993 pour que cette marque soit définitivement identifiée comme celle d'Antoine Pavie à Paris au début du XVIIIe siècle. La fascination pour la porcelaine de Rouen, première porcelaine française engendre d'autres attributions erronées opiniâtres. La plus célèbre étant le vase en porcelaine de Saint-Cloud conservé au musée de Sèvres, décoré d'un animal ressemblant à un rat. On a voulu y voir un rébus du nom Poterat : pot & rat. La garniture de quatre vases aujourd'hui conservée au musée des Arts décoratifs, décorée de lambrequins a longtemps été considérée comme une porcelaine de Rouen lorsqu'elle était dans les collections Beudeley et d'Yanville, avant d'être récemment redonnée à Saint-Cloud par Bertrand Rondot. A la fin du XIXe siècle, des fouilles sont effectuées à l'emplacement de la manufacture de Louis Poterat et plusieurs tessons de porcelaine sont découverts mais ont aujourd'hui disparu. La troisième porcelaine de Rouen qui apparaît publiée est un sucrier balustre couvert décoré de semis de bouquets de fleurs et fleurs, de rinceaux feuillagés et de galons à rubans et fleurs sur fond bleu, dans l'ancienne collection Dupont-Aberville, vendu en mars 1885. Il passe alors dans la collection Le Breton, à son tour vendu en 1921 puis entre dans la collection Tumin. Il est présenté lors de la grande exposition de 1929 au Pavillon de Marsan sur la porcelaine française de 1673 à 1914 et publié par Alfassa et Guérin vers 1929. (fig. 6) Notre pot cylindrique apparaît publié en 1895. Il est correctement identifié lors de la vente de la collection de Charles Antiq, ainsi décrit : Rouen – porcelaine, pot cylindrique en ancienne pâte tendre de Poterat, décor en bleu de fleurs et ornements, pièce rare. Avant d'être collectionneur, Charles Antiq avait été marin puis peintre. Sa vue diminuant, il dut renoncer à la peinture. Il s'adonna à la céramique et se mit à la recherche de faïences anciennes. Sa collection, principalement composée de faïences de Rouen, de faïences hispano-mauresques et de majoliques italiennes, ne comportait qu'une seule pièce en porcelaine : notre pot en porcelaine de Rouen. Cet objet passe ensuite dans la collection Laniel, il est également présenté lors de l'exposition de 1929 et publié par Alfassa et Guérin, pl. 2a (fig. 7). Il entre ensuite dans la collection de Jean Bloch, membre du Conseil d'administration de l'Union Centrale des Arts décoratifs puis acheté en 1961 lors de la dispersion de la collection. Notre pot cylindrique est récemment publié par Gilles Grandjean, p. 163, fig. 5-7. En 1919, le comte Charles Lair lègue au musée de Saumur un vase ovoïde décoré de cygnes, rinceaux feuillagés, lambrequins, dais et motifs de ferronnerie très proche des décors de faïence de Rouen (fig. 8). Un pot pourri couvert décoré de motifs de ferronneries feuillagés et de galons à rubans et fleurs sur fond bleu faisait partie de l'ancienne collection d'Ernest Masurel, publié par Alfassa et Guérin, pl. 1 et présent à l'exposition de 1929 sous le n°3. (fig. 9) Est également exposé au Pavillon de Marsan en 1929 et reproduit par Alfassa et Guérin, pl. 3a un pot pourri sans couvercle décoré de panneaux en relief et panneaux et bandes à fond pointillé bleu, le bord supérieur et la base décorés d'un galon formé de rubans croisés et fleurs sur fond bleu. Il provenait de la collection du comte de Chavagnac (vente Paris, Me Baudouin, 19-21 juin 1911, lot 4). Celui-ci le mentionnait en 1906 dans son chapitre sur la porcelaine de Rouen, acheté lors de la vente de sa collection en 1911 par madame Paul Dupuy, sa vente Sotheby Parke Bernet, 3 avril 1948, lot 356. Puis, il entre dans la collection R. Thornton Wilson qui l'offre au Metropolitan Museum de New York en 1950 en souvenir de Florence Ellsworth Wilson. (fig. 10) Il existe un autre pot pourri sans couvercle similaire au précédant apparu en vente en 1983 et aujourd'hui conservé dans une collection privée (collection Monmélien, vente Drouot, Etude Renaud, 6 décembre 1983, lot 21). (fig. 11) Enfin, un second moutardier, de même forme que celui décoré des armoiries d'Asselin de Villequier mais décoré de motifs de ferronneries sur fond pointillé bleu provenant de l'ancienne collection Wenz est récemment passé en vente publique. (Hôtel Drouot, Etude Ferri, 12 décembre 2007, lot 93). (fig. 12) REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES : - André Pottier, « Origine de la Porcelaine en Europe », Revue de Rouen et de la Normandie, février 1847 - André Pottier, Histoire de la Faïence de Rouen, publication posthume en 1870, p. 97 - Xavier de Chavagnac et Gaston de Grollier, Histoire des manufactures françaises de porcelaines, Paris, 1906, p. 1-7 - M.L. Solon, « The Rouen Porcelaine », Burlington Magazine, 7, n°26, mai 1905 - Paul Alfassa et Jacques Guérin, Porcelaines françaises du XVIIe au milieu du XIXe siècle, s.d, vers 1930 - Henry Pierre Fourest, « Origines de la porcelaine tendre en France au XVIIIe siècle », Cahier de la Céramique et des Arts du Feu, n° 16, 1959 - Frégnac, Les Porcelainiers du XVIIIe siècle français, 1964 - Régine de Plinval de Guillebon, « La marque AP identifiée », L'Estampille/L'Objet d'Art, n° 271, juillet-août 1993, pp.72-77 - Geneviève Le Duc et Chantal Soudée Lacombe, La porcelaine à Saint-Cloud, catalogue d'exposition musée de Saint-Cloud, 1997 - Régine de Plinval de Guillebon, « Les céramistes du Faubourg Saint Antoine avant 1750 », Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France, 2002, p.6 - Gilles Grandjean, « The Porcelain of Rouen »¸ Discovering the Secrets of Soft Paste Porcelain at Saint Cloud Manufactory, ca. 1690-1766, Bard Graduate Center for the Studies in the Decorative Arts, New York, 1999, (ouvrage collectif sous la direction de Bertrand Rondot) - Chantal Soudée Lacombe, « L'apparition de la porcelaine tendre à Rouen chez les Poterat, l'hypothèse protestante ? », Sèvres, Revue de la société des Amis du Musée national de Céramique, n° 15, 2006, p. 29-35

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